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3. Morwin

Au moment où Zok passait un séjour volcanique ; dans la capitale Aldreane, l'heure était au retour de campagne. Cette métropole de milliers d'habitants, construite au bord de l'océan, avait été le lieu d'arrivée des humains il y a de ça trois cents ans. S'attelant à sa construction, ceux-ci ne s'intéressèrent guère au reste de Cellos. Ils avaient considéré ce petit continent comme le lieu propice pour y fonder la ville de la nouvelle dynastie. Deux semaines de traversée en bateau séparaient les deux terres et aucune race supérieure ne la peuplait. Seul semblait y habiter des créatures magiques, chassées régulièrement, de sorte qu'aucun réel danger ne subsistait.


Au cœur de cette cité vivaient de riches marchands, des nobles et une garnison de soldat. Nul paysan, vagabond, ou miséreux n'y résidait ; uniquement la fortune s'implantait. Le soleil se couchait lentement à l'Ouest par-dessus les Montagnes grises. En cette soirée, les rues demeuraient animées de nombreux cris et rires ; de musique et même de saltimbanques. Le port finissait de décharger les marchandises des navires, du vin de Borgone et des peaux de griffons. La magie, monopole des serviteurs d'Ikoza, illuminait peu à peu les allées d'une douce lumière tamisée.
Trois double portes massives en bois, possédant les armoiries royales, permettait l'accès à ce lieu. Les gardes filtraient les étrangers entrants, mais détournaient facilement les yeux des belles demoiselles.
En deçà de la muraille se trouvait les faubourgs, où la vie était différente. Les chemins de terre remplaçaient les allées pavées et la plupart des bâtiments se composaient de chaumières. Paysans et voyageurs profitaient en fin de journée des auberges et tavernes. La liesse, en ce lieu, était de plus bas rang. Nulle incantation pour éclairer les rues, nul artiste pour divertir la populace ; seulement de la bière et des ribaudes.

La famille royale, quant à elle, demeurait au château. Construit sur l'île à l'angle des terres et faisant face au port d'Aldreane, celui-ci se parait de bannières. Ses murs de pierre, d'un gris argent, semblaient directement sortir des rochers où de petites vagues clapotaient. Du haut des remparts, les gardes entamaient leur ronde surveillant une mer d'huile. Fort de son donjon et de ses tours, il surplombait tout le cap Kerriam. Il hébergeait également un feu sacré, servant à guider les marins. Ceux-ci pouvaient ainsi passer entre les trois phares de la ville et atteindre les quais.
Un long ouvrage le reliait à la place du temple divin, seul lieu de culte de la cité. Un passage de deux ponts-levis, au centre, permettait aux navires de passer d'un côté à l'autre. Généralement baissé, il fut levé pour la nuit sur ordre du roi.

Dans le hall, faisant face à une grande double porte, attendaient deux hommes. L'un d'une jeunesse virile, portant une courte barbe brune, ses cheveux fatigués couvrant son front mat. L'autre, arborant un béret de velours noir sur une tête usée par le temps.
- C'est ainsi que vous vous drapez pour Sa Majesté, messire Morwin ? s'étonna le vieillard, le fixant des yeux.
- Je viens tout juste de débarquer, déclara celui-ci observant la gravure qui lui faisait face.
- Vous étiez en galère pour n'être vêtu que d'une armure de cuir usé et d'un glaive ? s'amusa l'autre d'une voix éraillée.
- Non, un navire à grandes voiles. C'est plus pratique pour s'y mouvoir, répondit-il d'un air absent.
Le vieil homme remarqua que ce dernier fixait le blason royal, immortalisé sur le bois marron. Passant lentement sa main sur les angles en argent, celui-ci les comptait silencieusement.
- Dites, ministre Reinevan, questionna-t-il se retournant, que voyez-vous sur cette porte ?
- Ce que j'y vois, se demanda celui-ci. Pour moi ce sont deux ailes de lames levées de par et d'autres d'une couronne. Allant de la lance à la dague et passant par l'épée, dit-il,les désignant d'un doigt ganté. Pourquoi donc cette question académique ? N'aviez vous pas appris cela étant écuyer ? s'inquiéta le vieux ministre.
Toujours plongé dans ses souvenirs et caressant le symbole, Morwin esquissa un sourire blasé à la réponse donnée.
- Voyez-vous, lorsque vous m'avez adoubé je pensais la même chose, dit-il tournant la tête vers le vieil homme. Toutefois, depuis mon retour des collines de Camdale j'y vois autre chose ; les ailes de la guerre s'étendant depuis le royaume. Il se tut, le ton de sa voix trahissait son amertume.
Reinevan, de par son expérience, connaissait les raisons qui l'avaient changé. Ce n'était point le premier chevalier qu'il voyait être différent après une première bataille. Un lourd silence de plusieurs secondes s'installa entre eux, où chacun fixait le bois sans mot dire.
Celui-ci ne fut interrompu que par l'ouverture des portes par les gardes.

Devant eux se dévoila une salle, illuminée d'une chaude lueur. D'une taille à contenir un bateau, celle-ci était à la fois sobre et luxueuse. Un tapis de velours rouge s'étendait à leurs pieds, entre deux rangées de colonnes de pierre grise. De chaque côté s'étendait des bancs de chêne du plus simple au plus majestueux, orné de gravure et matelassé de fourrures. En cette soirée, nuls nobles postérieurs y demeuraient. Progressant, ils virent se dessiner des armoiries sur douze vitraux, vassaux de vieille noblesse. Morwin, apercevant l'un d'eux, eu une pensée fugace pour sa ville natale. Ils arrivèrent ainsi au bout de l'allée, face à un promontoire haut de six marches drapées de quelques peaux d'animaux rares. Sur celui-ci reposaient deux sièges se côtoyant. Le jeune sire remarqua que celui de droite, plus petit, était vide. D'acajou foncé, ce dernier se trouvait incrusté de rubis dans un dossier gravé des ailes de lames. Assez simples, les ornements sur le bois massif restaient de belle facture. C'est à ce moment que, fixant le siège de la reine, Reinevan l'obligea à poser un genou à terre et à baisser la tête. Il ne pouvait voir que la fin du tapis et le début de l'estrade mais sentit un regard le transpercer.

Devant lui, demeurait celui qui se tenait au-dessus de tous les hommes de ce royaume. Dans son trône d'ébène noir et d'argent, le roi Valanor étudiait calmement l'individu. Adossé à la sculpture de ses armoiries, dans un bois constellé de petits diamants, ce dernier arborait un visage grave. La couronne d’électrum surmonté de diamants noir reposait sur ses cheveux d'or telle une part de lui-même. Il se leva, sa cape blanche en fourrure de Foxsune effleurant le sol et les neuf queues tombantes sur le dos. Faisant quelques pas sur l'une des peaux au sol, celui-ci se rapprocha.
- S'agit-il de lui ? déclara-t-il d'un ton sec.
- Oui, votre Majesté. Son nom est Morwin, précisa le ministre relevant la tête.
- Dercera... murmura ce dernier regardant du coin de l’œil le troisième vitrail. Pensez-vous, réellement qu'il sera apte ? s'enquit-il.
- Il s'agit, certes, d'un jeune chevalier. Toutefois je ne doute point de ses compétences, Sire. Il saura être à la hauteur le moment venu, assura le vieil homme.
- Je n'apprécie aucunement cette tradition désuète, dit-il marquant une petite pause. Néanmoins, ministre Reinevan, vous vous assurerez que cet homme accomplit son rôle, consenti le roi.
- Oui Monseigneur, dit-il inclinant la tête.
Le souverain descendit la moitié des marches et fit face à Morwin. Celui-ci ne semblait nullement étonné de la tenue du jeune sire. D'un geste de la main il lui ordonna de se relever et de lui faire face. S'exécutant promptement, ce dernier ne put toutefois plonger son regard dans les yeux dévorant du roi. Il se contenta de fixer le menton de cet homme qui le dominait. Valanor sortit un papier, cerclé de glyphes d'enchantement, d'un pli de son veston de cuir. Brisant le sceau de cire, celui-ci le déplia et se mit à parler.
- Chevalier Morwin, fils de Rullin de Dercera. Conformément à l'usage mis en place par le roi Kerriam, vous êtes dorénavant assigné comme garde personnel à vie de la princesse Aïnna ; âgé de cinq jours. Troisième enfant royal et unique princesse de ce royaume, vous agirez en bouclier, en maître d'armes, et cetera ... Si la moindre blessure lui est infligée, vous aurez à en répondre sur votre tête. Par ce parchemin contenant mes mots débute votre devoir, conclu-il d'un ton solennel.
Le jeune homme acquiesça d'une révérence à la déclaration. Le roi, pressé, fit alors un signe aux gardes en faction pour escorter Morwin. Ceux-ci s'approchèrent, se plaçant derrière lui de par et d'autres. Il se recula respectueusement puis jeta un coup d'œil rapide au ministre Reinevan encore agenouillé. Ce dernier regardait le souverain, comprenant que celui-ci avait à lui parler. Il quitta alors la salle du trône, laissant ces deux hommes seuls.

Valanor enroula le document qu'il remit dans son veston. Se tournant ensuite vers le vieil homme, il le fit se redresser d'un geste de la main.
- Ministre, dit-il retournant s’asseoir, ce jeune, a-t-il un quelconque fait d'armes à son actif ?
- Oui votre Majesté. Il se trouvait dans l'expédition des Chevaliers de Bronze, que vous avez mandatés pour éliminer les griffons de Camdale. Des peaux vous ont d'ailleurs été ramené par messire Elbarri, ajouta-t-il. Ce n'est pas tout, d'après le message envoyé à leur arrivée à Porturus, ceux-ci ont également rencontré des patrouilles Korriganes.
- Les Korrigans... ces créatures n'ont toujours pas compris qu'elles ne sont que du petit peuple, commenta le roi. C'est regrettable pour le chevalier Elbarri, confia-t-il, les deux dragons des Pics rouges ont été tué par les ordres d'Argent et d'Or. Il a été trop lent encore une fois.
D'ailleurs, rappelez-moi Reinevan, un détachement des hommes d'Acier avait pris en chasse un troisième, plus jeune. N'est pas ? s'enquit-il. Qu'en est-il de ce groupe ?
- Monseigneur, le dernier message reçu les situaient à l'entrée de la Vallée des volcans. Ils semblaient avoir poursuivi la bête durant trois semaines.
Depuis aucune nouvelle n'est arrivé. N'ayant aucun mystique de Dieu avec eux, je crains qu'ils ne se soient fait attaquer par les meutes de loups de la région. Cet ordre est une épée et non un bouclier, indiqua celui-ci.
- Une arme peut parer, cher ministre. Ne sous-estimez pas l'Homme face à la nature, affirma-t-il. Toujours est-il que dans le futur nous aurons davantage besoin de la magie des serviteurs d'Ikoza. C'est pourquoi j'ai besoin que vous réunissiez les chefs des six ordres et Cunogan. J'ai pour ambition de former des paladins, déclara le roi.
Sur ces mots, le ministre Reinevan s'effaça respectueusement. S'acquittant de sa tâche, ce dernier envoya des faucons aux forteresses des différentes formations.

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